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Les carrières de Chatillon

 

01 Treuils de carrière, Raphael Falcou , Mairie de Châtillon

Treuils de carrière, Raphaël Falcou (Maire de Châtillon)

LES CARRIÈRES DE CHÂTILLON

Cet exposé n’est qu’une approche de l’exploitation minérale à Châtillon. Il nous permettra de nous rendre compte de l’importance de cette industrie locale au cours des siècles. Organisé autour de documents et d’informations orales recueillies lors de l’exposition de 1983 au centre Prévert à Châtillon, il pose quelques bases pour une étude plus complète.

02 Plâtrière et carrière de sable Barbeau (Photographie aérienne I.G.N. du 31 mars 1931)

Plâtrière et carrière de sable Barbeau (Photographie aérienne I.G.N. du 31 mars 1931)

I - LE SOUS-SOL DE CHÂTILLON.

La grande dénivellation qui existe entre le nord de la ville près de Montrouge (altitude 78 m.) et le sud prés de Fontenay-aux-Roses (altitude 165 m) explique la diversité des terrains que l’on rencontre à Châtillon. Parmi les plus importants se trouvent le calcaire grossier utilisé comme pierre à bâtir, le gypse transformé en plâtre, les sables de Fontainebleau rentrant dans la composition du verre et des moules de fonderie, les limons des plateaux servant à la fabrication des briques et des tuiles. La meulière fut également extraite du Plateau pour réaliser des égouts et des travaux souterrains.

03 Carte montrant les zones l'affleurement des sable et du gypse

Carte montrant les zones l’affleurement des sable et du gypse

04 Coupe géologique simplifiée sur le parcours de l'avenue de Paris et de l'avenue de Verdun

Coupe géologique simplifiée sur le parcours de l’avenue de Paris et de l’avenue de Verdun

II - TOPONYMIE.

Sur le plan actuel de Châtillon se trouvent encore des traces de cette industrie du passé. "L’Allée des Sablons", prés de la Place du Général de Gaule, est l’entrée d’une sablière. La "Rue du Pierrelait" est située au lieu-dit "Les Pierrelets" qui pourrait signifier "Pierres Laissées", blocs de pierre laissés sur place après l’abandon de la carrière à la limite de Bagneux et de Fontenay. Prés de là, il y a la "Rue des Pierrettes", mais que sont ces "Pierrettes" ?

05b Vue depuis "le Dahomet"

Vue depuis "le Dahomet", lieu-dit situé vers les Galvents à la limite de Clamart. Agrandissement d’un treuil de carrière, probablement situé au lieu-dit "la Noise" ou "les Tybirs".

Quant au "Passage Pierrier", petit chemin à la limite de Malakoff, il n’est qu’une déformation de "l’Allée du Pierrier" comme nous pouvons encore le lire sur une vieille plaque. Par contre, côté Malakoff, ce même chemin s’appelle "Passage du Perrier". Ici nous sommes au lieu-dit "Le Pierrier des Vanves", boulevard de Vanves, à proximité se trouvait une carrière à ciel ouvert. Il existe également "Le Pierrier des Roissys" juste à côté d’une carrière de gypse à ciel ouvert vers l’actuelle rue Jean Jaurès. Le lieu-dit "La Pierre Plate " au niveau de la gare de Châtillon-Montrouge est peut-être appelle ainsi à cause des grandes dalles de calcaire qui attendaient leur départ vers les chantiers de construction. Ce secteur était en pleine activité vers 1770.

III - LA PIERRE DE CHÂTILLON.

05 Localisation des carrières de pierre

Localisation des carrières de pierre

Dès 1850, les ouvrages spécialisés de "l’Art de Construire" font état de la "Pierre de Châtillon" de manière à la différencier des autres lieux d’extraction. C’est un calcaire blanchâtre, un peu coquille, à grain fin et serré. Mais les carriers ont donné plus de précision selon les qualités et les caractéristiques de chaque banc.

La "Roche" est un calcaire parfois coquillier, très dur, de 45 à 70 centimètres d’épaisseur, mais présentant des fils, petits filets marneux que les carriers camouflaient habilement et qui ne permettaient pas d’extraire de gros blocs.

Le "Cliquart", en fait une pierre qui remplace le cliquart car celui-ci n’était extrait que dans la Plaine de Montrouge et de Vaugirard, est une pierre à gratin fin avec des débris coquilliers d’une épaisseur de 30 a 40 centimètres. Il est aussi appelle le "Faux-Cliquart".

Le "Banc-Franc" ou la "Pierre Franche" d’un grain fin et égal ne présentait jamais de coquilles. Son épaisseur est de 30 à 50 centimètres.

Le "Liais" est une pierre compacte et à grains fins que l’on extrait par table de 3 à 4 mètres de longueur, 1,50 à 2 mètres de largeur et 25 à 30 centimètres d’épaisseur destinée à faire des marches d’escalier, des pas de porte et des balustrades. Il existait aussi à Châtillon le "Liais des Arrues" car exploité au lieu-dit "Les Arrues" à la limite de Bagneux, Ce nom apparaît dans les entêtes de correspondance des carriers.

Le répertoire des carrières de pierre de taille de 1889 indique que l’on tire la Roche ou le Faux-Cliquart, le Banc Franc, la Roche douée et les Plaquettes dans les galeries supérieures, le Banc Royal et le Banc Vert dans les galeries inférieures.

Le "Banc Royal" est une pierre à grains extrêmement fins recherchée pour la sculpture.

La pierre de Châtillon fut utilisée pour les soubassements du Louvre et du Palais de l’Industrie, les libages (fondations) de l’Eglise Notre-Dame-des-Champs à Paris, la maison des Jésuites rue de Vaugirard, les murs d’appui de la terrasse du bord de l’eau du jardin des Tuileries, les balcons et perrons des hôtels du Parc Monceaux.

Coupe des bancs du calcaire grossier réalisée par Héricart de Thury :
  • 0,960 m Roche (coquilles agglutinées, très dur, 1/3 utilisé)
  • 0,050 m Plaquette (couche très dure utilisée pour le carrelage)
  • 0,330 m Cliquart (à grains fins, brillants)
  • 0,350 m Banc franc (à grains fins, serrés un peu terne)
  • 0,735 m Souchet (trendre à grains fins)
  • 0,325 m Grignard (à gros grains et nombreuses coquilles)
  • 0,650 m Les Laines (grenu à gros grains, léger et peu consistant)
  • 0,325 m Liais franc (à grains fins, très dense, uniforme)
  • 0,435 m Gros banc rustique (jaunâtre, tendre, coquillier, grossier
  • 1,150 m Banc vert (à grains fins, très dense, friable)
  • 3,540 m Lambourdes (six bancs de pierre tendre, grenue et jaune)
  • 1,625 m Coquillier blanc (grenu et grossier)

IV - LES CARRIÈRES DE PIERRE A BÂTIR.

Sur la Carte des Chasses du ROI réalisée de 1764 à 1773 de petites roues symbolisent 1’accès aux carrières souterraines exploitées à cette époque. Les quinze treuils sont situés à l’emplacement de l’actuelle gare de Châtillon. A cet endroit le calcaire est entre 10 et 15 mètres de profondeur. Cette proximité de la surface est due à la présence de l’anticlinal de Meudon.

06 Carte des Chasses du Roi. Les carrières sont localisée par les roues.

Carte des Chasses du Roi (1764 -1773). Les carrières sont localisées par les roues.

En 1814 Héricart de Thury signale la carrière de monsieur Marquis au lieu-dit les Egroux (entre l’avenue Marcel Cachin et la rue Alfred de Musset) et la carrière de monsieur Condamine, non localisée.

C’est à partir du début du 19ème siècle que fut exploité de manière intensive le sous-sol de la commune. Paris ayant besoin de plus en plus de pierre pour ses embellissements prendra ses matériaux à Montrouge, Bagneux, Arcueil, Vanves, Clamart, Malakoff et Châtillon. Les carriers commencèrent à exploiter le plus près de Paris où le calcaire-est à peu de profondeur, puis s’éloignèrent vers le sud tout en s’enfonçant sous la plaine. Progressivement, toute la région comprise entre le village et les communes de Montrouge et de Malakoff fut sous minée. Vers 1870, l’exploitation est intense à la limite de Clamart entre les rues Pierre Brossolette et Béranger. Le calcaire se trouve alors entre 30 et 4.0 mètres de profondeur.

En 1868, il y a treize marchands-carriers à Châtillon : Auboin Aîné, Auboin Jeune, Champy, Demarty, Frémont, Gautier Père, Gautier Fils, Laloé, Mafrand, Martin A., Martin, Sandrin, Simonet. Entre 1860 et 1863 Joseph Veyssades achète des masses de roche à extraire au lieu-dit La Noise (entre les rues Lasègue et Pierre Brossolette vers Clamart).

07 Reproduction dactylographiée d'un acte de vente de masse de pierre en 1860 (Coll. Mme Lance)

Reproduction dactylographiée d’un acte de vente de masse de pierre en 1860 (Coll. Mme Lance)

Des marchands-carriers d’autres communes exploitent aussi à Châtillon : c’est le cas de Constantin Letellier habitant 67 rue Dareau à Montrouge (actuel l4ème arrondissement) en 1859 et Charles Fremont habitant Bagneux en 1860. Tous deux étaient au lieu-dit Les Roissys (rue Gay Lussac).

Le fait inverse s’est naturellement produit, la profession n’ayant pas de frontières. Entre autres, Simon Auboin, Grégoire Maufra, Vve Frémont, Auguste Simonet, Jean-Baptiste Veyssades et Georges Veyssades, maitres-carriers à Châtillon, sont allés exploiter de la pierre à Clamart et peut-être dans d’autres localités. Prenons le cas de la famille Auboin. En 1849, décède Simon Auboin, l’année suivante sa veuve vend aux enchères les six carrières de son mari : une est située à Châtillon (La Voie de Saint-Cloud), une à Vanves, une à Clamart et trois à Bagneux.

08 Scieur de pierre à Châtillon, Potermont, collection Musée de l'Ile-de-France

Scieur de pierre à Châtillon, Potemont (coll. Musée de l’Ile-de-France)

En 1889 le Répertoire des carrières de pierre de taille découpe le territoire en trois secteurs :

  • les carrières des Roissys exploitées par Martin, Simonet, Auboin, Henry, Auboin et Boutoux, Demarty.
  • les carrières des Egroux, de la Maisie, du Trou au Coq",(vers le Fort de Vanves) avec Boutoux, Mafranc, Madesclaire, Auboin et Madesclaire.
  • les carrières de la Maison-Blanche ou de la Baraque (avenue de Paris vers Montrouge) avec Mornac, Bancelin, Boutoux Frères,

La Monographie de 1900 indique la présence de sept carrières de pierres à bâtir qui emploient 25 ouvriers à l’intérieur et huit à l’extérieur. Elles sont localisées sur l’Atlas des Communes de 1896-1900 au niveau de la gare de Châtillon, de la rue Mafrand, du boulevard Félix Faure, de la rue Pierre Brossolette, de la rue Jean Jaurès, de l’avenue de la République et de la rue de Chartre.

09 Atlas des communes du département de la Seine (1900). localisation des carrières de pierre, plâtrières.

Atlas des communes du département de la Seine (1900). localisation des carrières de pierre, plâtrières et sablières.

A partir de 1900, la demande est de plus en plus faible, les dernières carrières fermeront avec la guerre de 1914. les ouvriers allant au front. Après, le ciment a remplacé la pierre.

V - L’EXTRACTION DE LA PIERRE A BATIR.

Le marchand-carrier, propriétaire du gros matériel d’exploitation et chef d’entreprise, demande au Service des Mines et au Maire de la Commune l’autorisation d’ouvrir une carrière. S’il est propriétaire du sol, il peut commencer l’extraction. Par contre, et c’est souvent le cas, il doit acheter les masses de pierre du sous-sol de toutes les parcelles qu’il compte exploiter. Les actes de vente comportent toujours les mêmes clauses et en outre déterminent la durée de l’exploitation, entre 10 et 30 ans, la nécessité de se plier aux règlements concernant les carrières, de consolider les vides et de rendre le terrain en état de culture. Le treuil est donc démonté, le puits comblé, la carrière n’est plus accessible après l’exploitation.

Les ouvriers-carriers commencent par creuser le puits qui permettra la sortie des blocs. Il est rond, parfois ovale avec un diamètre de 3 a 6 mètres. Il est muraille avec des moellons. Les terres retirées permettent la réalisation d’une plate-forme surélevée du sol de manière à pouvoir plus facilement charger les blocs sur les charriots : c’est la "forme de carrière". Les premiers blocs extraits assurent le dallage de la forme. Il faut ensuite assembler le système de levage.

Avant 1850-1870, c’était une roue en bois de 6 à 12 mètres de diamètre munie d’échelons sur lesquels marchaient un ou deux hommes. Cet engin permettait de soulever une à deux tonnes.

10 Maquette de roue de carrier

Maquette de roue de carrier

A à partir de 1870, la roue de carrière est remplacée par le manège à cheval d’une capacité de levage de 5 à 10 tonnes. Les montants de treuil sont soit des massifs de maçonnerie, soit des charpentes de bois. La corde d’abord en chanvre fut ensuite remplacée par un filin d’acier.

11 Treuil de la carrière Boutoux à la limite de Montrouge

Treuil de la carrière Boutoux à la limite de Montrouge

12 Treuil de carrière en 1912 ( coll. H. Frémont)

Treuil de carrière en 1912 ( coll. H. Frémont)

La mise en œuvre du chantier représente un investissement important faisant appel à des ouvriers spécialisés. Plus la pierre est profonde, plus les puits sont éloignés les uns des autres. Il s’agit de trouver le compromis entre les difficultés du transport souterrain et le coût de réalisation d’un nouveau puits. A la limite de Montrouge, la roche étant à 15 mètres de profondeur, les puits sont espacés de 30 à 50 mètres. Par contre vers Clamart où le recouvrement est de 35 mètres, un seul puits peut desservir un rayon de 100 à 150 mètres. Les ouvriers descendent dans la carrière au moyen d’une "échelle de perroquet", barre de bois munie d’échelons pendant dans le puits ou par une lunette , petit puits équipé d’échelles. Ils utilisent aussi un caisson en bois, nommé haquet, descendu par le treuil.

13 Galerie de circulation dans une carrière de calcaire, Avenue de Paris

Galerie de circulation dans une carrière de calcaire, Avenue de Paris. La galerie est sous-creusée pour avoir une hauteur de 1,80 m. Sur la gauche, les bancs ont été exploités sur une épaisseur de 1 m.

A Châtillon, les carrières ont été exploitées par la méthode dite "par hagues et bourrages". Les carriers ne retirent que le banc recherché. Les bancs non utilisables, nécessairement dégagés pour faciliter le travail, servent à remblayer les vides créés. Ces remblais ou bourrages sont maintenus par de petits murs en pierres sèches : les hagues. De part en part, des piliers à bras formés de blocs bruts superposés soutiennent le ciel de carrière. Les vides restant ne sont formés que par les ateliers d’extraction et les galeries de circulation en direction du puits. Ces galeries permettant le transport des blocs sur de petits chariots ont environ 2 mètres de hauteur pour une largeur de 2 à 3 mètres. Par contre l’atelier a une hauteur de 1 à 1,50 mètres.

14 Principe d'exploitation d'un carrière par hagues et bourrages

Principe d’exploitation d’un carrière par hagues et bourrages

L’exploitation est souvent réalisée sur deux, parfois trois étages superposés selon les bancs recherchés. Ils sont reliés entre eux par des pentes douées, des escaliers, des trous de communication et le puits d’extraction. Lorsque la surface sous-minée devient importante, les terrains supérieurs ne reposent que sur les remblais. Ceux-ci s’affaissant lentement au cours du temps, le sol peut ainsi baisser de 20 à 60 centimètres sans provoquer d’accidents. L’aspect d’une carrière par hagues et bourrages peut être inquiétant avec des blocs écrasés, mais vu la faible dimension des vides résiduels, un effondrement est vite circonscrit. En tombant pèle-mêle les terrains supérieurs vont rapidement combler la cavité et le fontis ne débouchera généralement pas en surface.

La technique d’extraction consiste tout d’abord à dégager un banc tendre, le souchet, sous le bloc à extraire. Le carrier utilise une aiguille, barre de fer de 2 à 3 mètres de longueur, qu’il projette horizontalement. Il fait une entaille de 20 centimètres de hauteur sur 2 à 3 mètres de profondeur et 10 à 20 mètres de largeur. Cette opération longue et pénible nommée souchevage, est souvent réalisée à la tache. L’ouvrier travaille accroupie souvent allongé sur de la paille pendant plusieurs jours. Les déchets sont retirés avec une raclette appelée tire-terre. L’éclairage n’est obtenu que par quelques chandelles posées sur une pierre trouée.

Des cales formées de moellons tendres et des boules de fer, les triolons, sont placés sous le bloc en suspension. Deux entailles verticales de 1 mètre de largeur sont réalisées à chaque extrémité, ce sont les tranches de défermage. Le bloc peut alors tomber sous l’effet de son propre poids. Si ce n’est le cas, les carriers engagent des coins dans la partie supérieure et déclenchent la rupture. Ils utilisent aussi des barres à fondre, leviers de 1 mètre de longueur sur lesquels ils appuient de tout leur poids. Le bloc est dégagé de son alvéole avec des cordes et des crics. A l’aide de coins, il est découpé en morceaux plus transportables. Ceux-ci sont acheminés vers le puits sur des roules, rouleaux de bois, ou sur des charrettes lorsque la galerie a été aménagée en conséquence. Les blocs attachés à la corde du treuil et prennent la direction de la surface.

15 Ciel tombé dans une carrière où a été extrait le banc de roche

Ciel tombé dans une carrière où a été extrait le banc de roche

Dans toutes les phases de l’extraction, une grande attention est demandée aux carriers : leur vie n’est préservée que par la bonne connaissance du comportement de la roche. Les craquements, les pierres qui tombent sont les signes d’une instabilité et du danger. Dans la plupart des cas, un banc de calcaire très dur, le banc de roche, est laissé en tant que ciel de la carrière afin de soutenir les terrains supérieurs.

16 Pilier à bras écraser par le poids des terrains supérieur lesquels se sont stabilisés sur les remblais

Pilier à bras écraser par le poids des terrains supérieur lesquels se sont stabilisés sur les remblais

Lorsque ce banc est extrait, il est nécessaire de consolider immédiatement : les piliers à bras sont plus rapprochés, les galeries sont plus étroites. Parfois la présence d’eau nécessite la réalisation d’un système d’évacuation par rigoles et puisards. Les carriers n’ont jamais exploité sous la nappe phréatique. Mais celle-ci variant constamment, des carrières actuellement inondées ne l’étaient pas au moment de l’extraction. L’humidité permanente, l’air saturé d’eau, le manque d’aération, la poussière, le manque d’éclairage sont les dures réalités du travail de carrier. Il faut avoir une bonne résistance physique pour manier le pic ou la masse lorsque l’on ne peut pas se mettre debout. En 1863, la durée journalière était de douze heures avec juste un peu de repos lors des repas.

VI - LES CARRIÈRES DE PIERRE A PLÂTRE.

17 Plan de localisation des carrières de gypse ou pierre à plâtre

Plan de localisation des carrières de gypse ou pierre à plâtre

Un plan de 1693 exposé à la Mairie de Châtillon localise une plâtrière près du boulevard de la Liberté entre les rues de Merseburg et Pierre Semard.

Les cartes de l’Inspection des Carrières font état d’une ancienne exploitation souterraine de gypse datant de 1760 à l’angle de la rue Pierre Brossolette et de l’avenue de la Division Leclerc, d’une autre foudroyée vers 1763 entre les rues des Pierrettes et des Pierrelais, d’une exploitation antérieure à 1821 à l’intersection des rues des Pierrettes et Blanchard et localisent une exploitation en 1839 entre l’impasse de la Liberté et l’avenue de la République.

En 1825, l’historien Dulaure indique la présence de deux carrières de pierre à plâtre et deux fours à chaux au "Petit-Châtillon". En 1845 Pierre Barbeau, fabricant de plâtre achète des niasses de pierre à plâtre aux Galvents. En 1857 et 1859 Chatelier, fabricant de plâtre à Clamart (rue Bonnelais), est venu extraire du gypse a Châtillon probablement entre les rues Pierre Brossolette et Lasègue.

18 Plâtrière Beaumont vers 1900 à l'emplacement de la rue Jeanne d'Arc. Reproduction d'un tableau de Léon Jouenne parue dans le Bulletin Municipale de Châtillon en 1939

Plâtrière Beaumont vers 1900 à l’emplacement de la rue Jeanne d’Arc. Reproduction d’un tableau de Léon Jouenne parue dans le Bulletin Municipale de Châtillon en 1939

En 1868, il y a deux fabricants de plâtre à Châtillon : Beaumont, rue Pierre Brossolette et Sarvivet rue Gabriel Péri. Le 5 mars 1894 une exploitation est ouverte rue des Pierrelais par Beaumont, Rousselot et Cie en succession de Deschamps et Sevin.

La Monographie de Châtillon indique trois carrières avec 33 ouvriers à l’intérieur et 11 à l’extérieur. Par contre l’Atlas de 1900 ne fait apparaître que les plâtrières Beaumont et Barbeau. Celles-ci fermeront respectivement vers 1902 (1907 - 1910 ??) et 1940.

VII - L’EXTRACTION DU GYPSE.

Le gypse exploitable à Châtillon se présente en une couche de 4 mètres d’épaisseur. Au-dessus alternent d’autres couches de gypse et des marnes de plus faible épaisseur. Le gypse soluble dans l’eau ne présente pas la solidité du calcaire. Les carrières non remblayées s’effondrent rapidement entraînant souvent des accidents. Elles ont été exploitées par la méthode des piliers tournés : des piliers de 5 mètres de côté régulièrement espacés soutiennent les terrains supérieurs, les galeries ont 5 mètres de largeur et 2 à 3,50 mètres de hauteur.

19 Plâtriere beaumont, J-C Pape (Coll. particuliere)

Plâtrière Beaumont, J-C Pape (Coll. particulière)

Entre les rues Pierre Brossolette et Lasègue, il existe une petite exploitation à ciel ouvert, à cet endroit le gypse est à peu de profondeur.

20 Accès en pente douce de la carrière de Gypse Beaumont

Accès en pente douce de la carrière de Gypse Beaumont.

Largeur 2,50 m, hauteur 1,60 m.

Les ouvriers attaquaient la masse au pic puis débitaient les blocs à l’aide de coins. Les morceaux étaient acheminés par charrettes ou wagonnets jusqu’au four. La sortie de la carrière était soit un puits, soit une pente douce. En 1825 Dulaure écrit : "L’une de ces carrières est remarquable par une galerie souterraine et rampante, jusqu’à la profondeur de 85 pieds, dont la pente est si douce, qu’une voiture attelée de trois chevaux peut y descendre et en tirer les pierres qu’elle fournit." Ces galeries voûtées étaient appareillées avec des blocs de gypse et du plâtre.

21 Exploitation. Carrière de gypse, rue de la Poste, Photo Henrot 1962, Archive Ville de Châtillon

Exploitation. Carrière de gypse, rue de la Poste, Photo Henrot 1962 ( Archive Ville de Châtillon)

22 Ciel tombé. Carrière de gypse, rue de la Poste, Photo Henrot 1962, Archive Ville de Châtillon

Ciel tombé. Carrière de gypse, rue de la Poste, Photo Henrot 1962 (Archive Ville de Châtillon)

VIII- LA FABRICATION DU PLÂTRE.

Le plâtre est simplement du gypse déshydraté à une température de 120 à 130 degrés et réduit en poudre. Une température de cuisson supérieure à 180 degrés le rend totalement inutilisable. La qualité du plâtre de la région parisienne est due à la présence de chaux et à la manière de le cuire. La cuisson consiste à construire sous un hangar des voutes de gypse sur lesquelles on dispose des blocs de plus en plus petits au fur et à mesure de la hauteur. On allume un feu de bois sous ses voutes pour une durée moyenne de 10 heures. Le plâtre près du feu est trop cuit, celui éloigné ne l’est pas assez, mais le tout mélangé donne un plâtre d’excellente qualité. Les blocs cuits sont broyés avec des meules verticales roulant dans une auge au centre de laquelle on dispose un crible qui permet au plâtre de tomber tout préparé dans des réservoirs.

23 Roue pour écraser le plâtre (Aquarelle Léon Jouenne)

Roue pour écraser le plâtre (Aquarelle Léon Jouenne)

24 Le four de la plâtrière Beaumont (Dessin Léon Jouenne)

Le four de la plâtrière Beaumont (Dessin Léon Jouenne)

Le plâtre, sensible à l’humidité, doit être utilisé peu de temps après sa fabrication. A l’origine, il était livré dans des tonneaux en bois ; au début du siècle, le transport étant plus rapide, dans des sacs de toile.

IX - LES SABLIERES.

25 Localisation des carrières de sable

Localisation des carrières de sable

A Châtillon, les sables de Fontainebleau ont une épaisseur de l’ordre de 50 mètres. Ils se présentent en plusieurs strates correspondant à une utilisation précise : blanc et pure pour la verrerie, légèrement argileux pour la fonderie ou jaune appelle aussi sable à lapin pour la construction. Le sable était extrait à ciel ouvert au sud de la rue Pierre Brossolette aux lieux-dits les Galvents, les Sablons, le Bas-Val et également à la limite de Fontenay-aux-Roses. En 1900, il y avait quatre sablières employant six ouvriers.

26 Carrière de sable et de grès du plateau de Châtillon. Route du fort de Châtillon au Petit-Bicètre. A. Robin, La Terre, env 1900

Carrière de sable et de grès du plateau de Châtillon. Route du fort de Châtillon au Petit-Bicètre. A. Robin, La Terre, env 1900

La partie haute des sables de Fontainebleau est entrecoupée de bancs de grès résultant de cimentation des grains par l’infiltration de l’eau. Il n’est pas certain qu’ils avaient été exploités à Châtillon, mais une carrière de sable et de grès existait vers 1900 prés de la route du fort de Châtillon au Petit-Bicètre (Petit-Clamart). Les bancs de grés sont mis à découvert puis détachés à l’explosif. Les blocs sont débités en morceaux maniables à l’aide du couperet et taillés au ciseau sur un baquet de sable. Les pavés ainsi réalisés serviront au pavage des rues.

27 Carrière de sable en cours de remblaiement

Carrière de sable en cours de remblaiement.

X - LES CHAMPIGNONNIERES.

Depuis 1810, date à partir de laquelle l’horticulteur Chambry mis au point la culture du champignon en milieu souterrain, les carrières sont transformées en champignonnières dès la fin de l’extraction.

Le champignon de Paris se cultive sur du fumier de cheval préalablement stérilisé de toutes substances nuisibles. Le fumier est disposé en meules puis ensemencé de mycélium. Après un mois, il est recouvert d’un mélange de terre et de calcaire finement broyé : c’est le gobetage. La cueillette commence le mois suivant et se poursuit pendant 8 à 12 semaines.

28 Champignons placés sur le portail de la Champignonnière Pintaux, Boulevard de Vanves,1983

Champignons placés sur le portail de la Champignonnière Pintaux, Boulevard de Vanves,1983

Au début de ce siècle, cinq champignonnistes livraient chacun entre 4.0 et 100 tonnes de champignons par an. La famille Pintaux, boulevard de Vanves, cultiva le champignon jusqu’en 1932, l’entreprise fut reprise par M. Pasinetti jusqu’après la guerre.

XI - AVENTURES ET MÉSAVENTURES.

Le 26 aout 1976 à 10 heures du matin, monsieur Frey, coiffeur a l’angle de la rue de Fontenay et de la rue Estienne d’Orves voit disparaitre son client à sept mètres de profondeur. Un fontis ou effondrement venait de se produire dans une ancienne carrière de gypse située sous la maison. Les travaux de consolidation consistant en l’injection de 84 mètres cubes de ciment furent effectués. Mais le 24 septembre 1978 à 14.h30, soit un an après la fin des travaux, un nouvel accident se produisit, le plancher s’effondra dans des proportions énormes, le salon hommes, le salon dames et la cuisine ne furent qu’un trou béant. Par chance le salon de coiffure était fermé le dimanche, il n’y eut pas de victime. La maison du coiffeur fut rasée et remplacée par un petit parc entretenu par la Ville de Châtillon et interdit au public. On craint encore un effondrement.

29 Pancarte du square situé à la place de la maison du coiffeur (1983)

Pancarte du square situé à la place de la maison du coiffeur (1983) Actuellement le square est de nouveau accessible en raison des consolidation des carrières de gypse

Lors de l’exposition de 1983 au centre Prévert, une personne âgée m’a indiquée que lorsqu’elle était petite, la maitresse lui racontait des histoires sur les carrières. Un jour, deux cardeuses de matelas discutaient assises sous un arbre rue des Pierrettes. Régulièrement elles entendaient des bruits sourds comme des pierres en train de tomber. Elles ne s’en inquiétaient pas tellement. Ayant fini de se reposer, elles prirent le chemin vers Châtillon, ayant fait quelques pas, elles entendirent un grand bruit, un fracas épouvantable. Se retournant, elles virent s’enfoncer sous terre l’arbre qu’elles avaient quittées. L’arbre avait disparu dans une carrière de gypse, plus de peur que de mal.

En 1802 , on note dans le compte rendu du Conseil Municipal que l’aqueduc qui acheminait les eaux de Fontenay à la fontaine située rue de la Mairie a été détruit sur 14.0 mètres par un affaissement survenu à la carrière Barbeau. Un procès a été engagé contre le propriétaire de la carrière, malgré qu’on ait eu recourt au Préfet, à M. Bralle, Ingénieur Hydraulique et à M. Mathieu de l’Inspection des Carrières, l’affaire n’était pas encore réglée en 1824.

Vers 1920, les enfants de Châtillon allaient régulièrement se promener dans la champignonnière rue Pierre Brossolette à la limite de Clamart (plâtrière Beaumont). Certains m’ont dit qu’ils se sont perdus et ressortis quelques heures après par un autre accès rue Pierre Corby à Clamart. Un jour, se sont les pompiers qui les ont retrouvés, alors on a versé deux tombereaux de terre devant l’entrée.

Lors des alertes des guerres de 1914 et 1940, les carrières furent utilisées comme refuge. Une étude fut faite pour aménager la carrière Barbeau en abri, mais étant donné le mauvais état des vides, il ne fut pas réalisé. Cela n’empêcha pas les riverains de s’y rendre. La champignonnière Pasinetti, laquelle possédait un accès en pente douée, a également été utilisée. Nous pouvons encore lire les ordres demandant aux habitants momentanés de faire silence. Il est fort probable que la carrière située à l’intersection des avenues de Paris et Berthelot a été aménagée. A cet endroit les galeries ont une hauteur de 1,80m et sont parfaitement nettoyées. Un escalier droit a du être créé pour l’accès. Plus loin un escalier à vis devait servir de secours.

Robert CHARDON, 1983
Mise à jour 2008

30 Exposition de 1983 : Mannequin actionnant un treuil à manivelle utilisé pour le déplacement de bloc de pierre

Exposition de 1983 : Mannequin actionnant un treuil à manivelle utilisé pour le déplacement de bloc de pierre

REFERENCES

CROZE R. : Châtillon-lez-Paris, village de banlieue. Comité du Souvenir Châtillonnais, 1948.

MAZET M. : Petite Histoire de Châstillon-soùbs-Bàigneux.

DULAURE J. A. : Histoire des Environs de Paris. Guillaume, libraire-éditeur, Paris 1825.

Mémoire de la Fédération des Sociétés Historiques d’Ile de France, tome X, 1959 La population de Châtillon-sous Bagneux.

Monographie de la commune de Châtillon. Conseil Général de la Seine, 1901.

Cartes des Chasses du Roi, 1764-1773.

Atlas des Communes du Département de la Seine, 1896-1900.

Atlas des Carrières Souterraines du Département. Inspection des Carrières de Paris

B.R.G.M. : Carte géologique de Paris et sa proche banlieue à 1/25 000, 1980.

RONDELET J. : Traité de l’Art de Bâtir. Firmin Didot Frères et Cie, Paris, 12e édition, 1871.

PLANAT P. : L’Art de Bâtir. Librairie de la Construction Moderne, Paris.

MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS : Répertoire des Carrières de Pierre de Taille exploitées en 1889. Librairie Polytechnique Baudry et Cie, Paris, 1890.

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BARRE L.A. : Mémento de l’Architecte et de l’Entrepreneur. Librairie E. BERNARD, Paris, 1896.

Annuaire du Canton de Sceaux, 1868.

Documentation privée :

Madame LANCE (Clamart) , Monsieur PREVEL (Châtillon), Archives de la Ville de Châtillon

31 Exposition de 1983 : collection d'outils de carriers et de tailleurs de pierre

Exposition de 1983 : collection d’outils de carriers et de tailleurs de pierre (Coll. Guimard)
 
 
Publié le vendredi 12 octobre 2007
Mis à jour le dimanche 16 novembre 2008

 
 
 
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